PROJET ICDI: UNE RÉACTION DE PLUS
La réunion d'information organisée par l'icdi le 16 janvier a suscité
de nombreuses réactions orales mais aussi écrites..
Voici la lettre de Jean-Pierre MARIQUE, conseiller MR,
représentant des riverains au comité d'accompagnement de l'icdi,
Actif depuis plus de 20 ans dans la défense des riverains, il connaît par le menu,
tous les recoins du dossier icdi,
tout l'historique de l'incinérateur,
toutes les études déjà réalisées,
et ses propositions ne manquent pas de réalisme!
Jean-Pierre
Marique
Rue Fernand Lorent, n° 5, Aiseau-Presles, le 29 janvier 2013.
B 6250, AISEAU-PRESLES.
Tél. & Fax.:32 71 / 77
64 07. Au Collège des Bourgmestre et Echevins
GSM : 0476 270 982.
E-mail : mariquejp@hotmail.com 150, Rue J-F. Kennedy
6250, Aiseau-Presles.
Copie à Monsieur Olivier Bouchat, Directeur Général de l’ICDI, n°1, rue
du Déversoir à 6010, Couillet.
Concerne : Etude d’incidences sur l’environnement dans le cadre de
la demande de permis unique de classe 1, introduite par l’ICDI,
pour des travaux de modernisation de son Unité de Valorisation Energétique,
sise à Pont-de-Loup et comprenant la construction d’une nouvelle ligne de
valorisation énergétique en remplacement de l’ancienne ligne n°3 et la
réalisation d’aménagements auxiliaires.
Monsieur le Bourgmestre,
Mesdames et Messieurs les Echevins
Suite à la réunion d’information organisée ce 16 janvier, je souhaite
faire usage du droit ouvert à chacun, d’émettre des observations, suggestions
et demandes de mise en évidence de points particuliers, mais aussi de présenter
des alternatives techniques pouvant raisonnablement être envisagées par le
demandeur, afin qu’il en soit tenu compte lors de la réalisation de l’étude
d’incidences.
La question du caractère « raisonnable » des alternatives,
suppose évidemment, non-seulement l’analyse de leur faisabilité, mais aussi
leur mise en perspectives, notamment par une connaissance suffisante du
contexte. C’est la raison pour laquelle, je ferai précéder les questions que je
soulève d’un résumé des éléments « historiques » du problème et de
l’alternative proposée.
Historique
Installé en 1978, au sein d’une zone fortement urbanisée, l’UVE de
Pont-de-loup a été durant plus de deux décennies, source de pollutions massives
liées au rejet de cendres d’incinération, de métaux lourds, d’acides et d’oxydes
et de dérivés organiques bio-cumulables (Dioxines, furanes, hydrocarbures
aromatiques polycycliques …)
Au départ, le site comportait deux lignes d’incinération auxquelles une
troisième fut ajoutée en 1988.
Pendant longtemps, l’incinérateur ne disposait que d’électro-filtres
qui captaient une part des cendres. Les autres polluants n’étaient quasiment
pas captés, alors que les conditions de fonctionnement (températures, temps de
séjour, turbulence) n’assuraient pas une combustion correcte et que la nature
même des déchets incinérés était mal ou peu contrôlée.
En 1995, le système de « laveurs humides » était mis en œuvre
pour réduire significativement les rejets de cendres, de métaux lourds, des
acides et des oxydes, et des composants organiques greffés sur les cendres. Néanmoins,
un minimum de connaissances permettait de s’attendre à ce que ce système ne
règle pas totalement le problème des dérivés organiques libres.
Et de fait, en 1997/98, des contrôles effectués par les autorités
fédérales ont abouti à l’interdiction faite à de nombreux agriculteurs, de
vendre leur production laitière fortement contaminée par des dioxines.
En juin 1999, des contrôles, gardés secrets durant plusieurs mois,
étaient finalement publiés. Ils montraient, selon les lignes d’incinérations,
des dépassements de 200, 1000 et 2000 fois la norme en dioxine/furanes. Il faut
préciser que, durant plus de dix ans, cette norme prévue dans la directive
européenne 89/429 (0,1 nano grammes TEQ 2378TCDD / NM³) n’avait jamais été
transposée en droit wallon.
Ces énormes dépassements étant mesurés après les améliorations
apportées à la filtration en 1995, on peut deviner que les taux de
dioxines / furanes auxquels les populations furent soumises durant les
années 1978 – 1995 étaient encore plus effroyables.
Effet sur la santé des riverains.
La toxicité de ces composés organiques n’est plus à démontrer. L’OMS
est notamment très claire à ce sujet. Elle fixe d’ailleurs des normes
individuelles à 10 pico grammes TEQ 2378TCDD / kilo de masse corporelle.
Ceci a amené certains états à adopter des normes à l’émission, largement
inférieures aux 10 nano grammes actuellement en vigueur en Wallonie.
Les risques que de telles pollutions font courir à long terme à la
santé sont connus. Même si, tout qui s’est penché sur ce type de problématique,
sait la difficulté, voire souvent, l’impossibilité de déterminer
scientifiquement des certitudes en termes de causalité. Il est quasiment impossible
de prouver de façon scientifiquement incontestable que telle pollution est la
cause de telle maladie, chez telle personne.
De manière certes empirique, mais incontestable, le nombre de malades
atteints de cancers, parfois rares et quelques fois localisés sur de très
faibles espaces, est important.
Par ailleurs, diverses études réalisées ont relevé des éléments tantôt
troublants, tantôt inquiétants.
Le professeur Jacques Donnez, de l’UCL a publié, dans les années
nonante, une étude établissant le lien entre les rejets des incinérateurs et
des maladies du système reproducteur féminin.
L’observatoire de la santé a récemment mis en évidence des écarts
importants en termes de santé et de mortalité, en défaveur des habitants de
Farciennes.
Le bureau spécialisé HVS a publié en 2011 une étude sur l’impact des
polluants sur l’enfant. J’avais pu en obtenir le financement de son extention à
la commune de Farciennes, par le Fonds Houtman, dépendant de l’ONE. Cette étude
met en évidence des taux très préoccupants d’acide muconique urinaire qui
constitue un traceur des polluants aromatiques, alors que le niveau de
circulation automobile qui constitue la cause
habituelle n’est nullement présente, ici.
En 2001, le professeur Alfred Bernard publiait les conclusions d’une
campagne de contrôles sanguins. Si certains se plaisent à répéter qu’on n’y
décelait pas de différences significatives avec un public de référence, il faut
néanmoins noter qu’il insistait sur l’impact de la consommation de produits
locaux et il déconseillait de dépasser un taux de 10 %.
Enfin, en 2004, dans le cadre du renouvellement du permis d’exploiter,
le bureau RDC relevait notamment des pollutions des sols par des HAP, qui
dépassaient de 5 fois, le seuil d’intervention. Faut-il rappeler que ce seuil
d’intervention est défini dans la législation comme celui où le risque pour
l’environnement et la santé humaine devient intolérable et où un assainissement
du sol s’impose.
Problématique « santé publique » réduction de capacité et désengagement
progressif.
Suite à la publication des résultats en juin 2009, les autorités
wallonnes ont enfin réagi. En février 2000, le nouveau ministre Michel Foret a imposé
des normes et des contrôles sérieux. On aurait pu penser que les problèmes étaient
réglés puisque les normes étaient respectées. Mais ce serait faire abstraction
des effets bio-cumulables des dérivés organiques et des conséquences différées,
souvent à longs termes, qu’ils peuvent avoir sur la santé des riverains. Ce
serait aussi nier que la charge polluante additionnelle imposée aux
riverains dépend non-seulement de la concentration de polluants dans les
fumées, mais aussi du débit de ces fumées, lui-même proportionnel au tonnage
incinéré et de la durée d’exposition.
Dans cette logique, le 17 juillet 2003, le Ministre Foret obtenait du
Gouvernement wallon, le vote d’une note d’orientation prévoyant « le
démantèlement progressif de Pont-de-Loup, l’arrêt définitif d’une des trois
lignes d’incinération et, premier pas de ce démantèlement, la limitation du
tonnage autorisé de 176 000 à 110 000 tonnes par an ». Par ailleurs, un
traitement spécifique des dioxines / furanes était enfin mis en œuvre, suivi de
celui des NOx. Et diverses alternatives étaient prévues au niveau de la Région
Wallonne.
Cette orientation ne devait hélas pas être suivie par le gouvernement
suivant. Quoi qu’il en soit, début 2008, l’ICDI faisait part de son intention
d’obtenir le renouvellement de la ligne d’incinération n°3. Un tel projet qui
prolonge « de facto » l’exploitation du site pour 25 à 30 ans, rompt
clairement avec le désengagement progressif promis. A l’appui de sa décision,
l’ICDI a évoqué des besoins en termes de capacité nécessaire.
Remise en cause du désengagement progressif par l’ICDI.
Début 2008, l’ICDI citait un besoin de 160 000 tonnes réduit par la
suite à 143 000 tonnes par an. C’est sur cette base clairement surestimée
qu’elle faisait analyser 6 hypothèses par le bureau IBH, avant d’en arriver à
l’hypothèse actuelle.
L’ICDI évoque aujourd’hui un besoin de 117 000 tonnes/an dont 110 000
incinérées. Or, dans les faits, l’incinérateur traite, bon an, mal an de 95 000
à 104 000 tonnes sans que les poubelles s’accumulent sur les trottoirs.
Par ailleurs, la capacité d’incinération disponible en Région wallonne
est de 946 000 tonnes ; de loin supérieure aux moins de 800 000 tonnes
d’OM, DE, DID et autres déchets spéciaux, produits.
Alternative raisonnable
Compte tenu de la nécessité de poursuivre le désengagement progressif
promis afin de limiter la charge polluante additionnelle imposée aux
populations déjà fortement exposées,
Compte tenu des multiples signaux
inquiétants en termes de santé publique,
Compte tenu de la localisation de l’outil en pleine zone urbanisée,
Compte tenu des tonnages de déchets produits en RW et des capacités de
traitement disponibles,
Compte tenu du coût de plus de 50 millions d’euros de l’investissement
projeté par l’ICDI,
L’alternative est la suivante
La ligne d’incinération n°2 dont l’exploitation est autorisée jusqu’en
2024 peut traiter 55 000 tonnes.
Le solde s’élève donc à 45 000 tonnes qui peuvent être réduit :
-
par le développement des ramassages sélectifs et
notamment des fermentescibles biométhanisables,
-
en développant le recours aux poubelles à puces,
(diminution de 40% à « Les Bons Villers »)
-
en externalisant l’excédent vers une unité
d’incinération où des capacités libres existent.
Quels sont les tonnages « raisonnables » ?
Actuellement l’ICDI accuse d’importants retards en matière de recyclage
des PMC, verres, papiers et cartons. Selon le rapport d’activités 2011 de
l’intercommunale, ce retard sur la moyenne belge se chiffre à 26 kg par
habitant et par an. Soit 11 000 tonnes pour les 420 000 habitants de la zone.
En ce qui concerne les fermentescibles, l’analyse des 7500 sacs a amené
l’ICDI à l’estimer à plus de 50%. Il est évident qu’on ne peut espérer que tout
soit récupéré sélectivement. L’ICDI a tout d’abord estimé le gain à 25
kg/habitant (moins de 13%) soit un total de 11 à 12000 tonnes. Après débat, elle
a accepté de porter cette estimation à 50 kg/habitant. Mais dans le même temps,
elle a « sorti » du calcul les communes trop urbanisées, éliminant de
la sorte 220 000 habitants, soit un total inchangé de 12000 tonnes(!!!)
Il s’agit clairement d’une estimation minimaliste.
La même analyse du contenu des sacs estime à 10 000 tonnes les aliments
non consommés présents dans les sacs.
Par ailleurs, une expérience concrète vient confirmer largement ces
estimations. En effet, le passage, le 1° mai 2011, de la comme de
« Les-Bons-Villers » aux poubelles à puces a permis de passer de 162
à 98 kg de déchets. Soit une réduction de 40%. Même s’il est probable que ce
résultat est extraordinaire, est-il déraisonnable d’estimer que 25 à 30%
constituent un gain accessible ?
Ces actions qui supposent évidemment un plus grand volontarisme de
l’intercommunale, porteraient l’incinérable à quelque 70 à 75 000 tonnes, soit,
compte tenu des 55 000 de la ligne 2, un excédent à externaliser de quelques 20
à 25 000 tonnes.
Or, l’ICDI réfute cette hypothèse, en posant comme postulat de départ
que le tonnage sera de 110 000 tonnes, quoi qu’on fasse. Ce faisant, elle
postule un excédent à externaliser de 55 000 tonnes. C’est sur cette base
qu’elle calcule le coût, le charroi.
En clair, l’intercommunale n’a jamais voulu analyser d’autres hypothèses
que celles qui impliquent deux lignes d’incinérations à Pont-de-Loup. Peut-être
faut-il y voir des réflexes sous-régionalistes en contradiction avec les
synergies prônées au niveau régional.
Le rapport IBH auquel l’ICDI se réfère sans cesse relève d’ailleurs
très clairement et à de nombreuses reprises les surestimations des chiffres
imposés dans le cahier des charges de l’ICDI.
Je souhaite donc que les éléments « pour » et
« contre » soient analysés de façon objective dans le cadre de cette
étude d’incidence.
Questions :
En ce qui concerne les tonnages :
-Déterminer les capacités de traitement disponibles et les tonnages à
traiter en région wallonne.
-Déterminer les tonnages produits dans la zone ICDI.
-Déterminer les tonnages qui peuvent être raisonnablement soustraits de
l’incinération, grâce au tri sélectif, aux poubelles à puces et au
développement de la sensibilisation et du tri des PMC, verres, papiers, cartons
-Par différence, déterminer le tonnage de l’excédent qui devrait être
externalisé.
Sur base de ces tonnages raisonnables :
En ce qui concerne le coût :
-Déterminer le coût des deux options (construction et externalisation
de l’excédent) en intégrant, bien sûr, l’économie de la charge des
investissements (subsidiés ou non).
En ce qui concerne le charroi :
-Etudier les différentes options possibles afin de mener l’excédent
soit vers Thumaide, soit vers Herstal.
-Et notamment, les possibilités de transport pas containers
multimodaux.
En ce qui concerne les rejets :
L’ICDI affirme que le remplacement du four 3 réduira les rejets.
Compte tenu de l’évolution des technologies, c’est probable.
Mais il n’en va pas ainsi de la charge polluante qui dépend de la
concentration, mais aussi des tonnages.
-Comparer la charge polluante annuelle des 3 situations (actuelle L2 +
L3 / L2+Nouv. / L2 seule).
En ce qui concerne le transport de l’excédent :
La construction du nouveau four imposera un coût fixe pour 20 ans.
Chaque réduction de tonnage provoquera donc automatiquement une
augmentation du coût à la tonne.
Au contraire, en cas d’externalisation de l’excédent, chaque tonne
gagnée réduirait le coût.
La construction suppose donc un frein aux alternatives et le maintien
des tonnages actuels. C’est d’ailleurs ce qu’annonce l’ICDI.
-Comparer les rejets liés aux différentes options pour le transport de
l’excédent et le traitement des tonnages inchangés à Pont-de-Loup.
En ce qui concerne l’impact sur la santé.
-Faire le point sur les différentes études disponibles.
-Comparer, avec précision, le bilan santé des riverains par rapport à
des populations non-concernées/
-Dresser un bilan sérieux de l’impact de l’incinération (y compris
passée) sur la santé.
Enfin, dernier élément. Une étude d’incidences émet notamment des
recommandations.
Encore faut-il que celles-ci soient suivies d’effets.
L’étude RDC réalisée dans le cadre du renouvellement du permis
d’exploitation en 2004, a notamment révélé de très importantes pollutions des
sols.
Elle recommandait notamment une délimitation « horizontale »
des zones concernées.
L’intercommunale se serait « trompée » et aurait procédé à
des sondages « verticaux ».
Interpellé, le ministre de l’époque aurait exigé ce travail.
-Vérifier la réalisation des recommandations antérieures et notamment
la délimitation horizontale des zones polluées.
-Vérifier la conformité des résultats obtenus (si le travail a été
fait) et la remèdiation prévue ou apportée.
Conclusions.
Tout ceci justifie que, malgré certains reculs du gouvernement wallon
suivant, il reste indispensable de poursuivre dans la logique du démantèlement
progressif du site de Pont-de-Loup. En pratique, cette approche suppose
l’utilisation sévèrement contrôlée des outils existants, mais aussi leur non-remplacement
lorsqu’ils sont mis à l’arrêt en fonction de leur vétusté.
Loin de toute dérive doctrinaire et de tout aveuglement idéologique,
cette alternative se veut pratique et responsable. Elle refuse qu’on balaye
d’un revers de la main un ensemble de constats objectivement inquiétants. Elle
se base à la fois sur des réalités économiques, la nécessité d’une action
coordonnée au niveau de la Région Wallonne et sur l’application justifiée du
principe de précautions, si souvent galvaudé.
Elle ne demande rien d’autre que l’analyse objective d’une alternative
respectueuse des décisions responsables adoptées en 2003 par le gouvernement
régional.
Vous remerciant, je me tiens évidemment à votre disposition pour toute
info complémentaire, précision, ou documents sur lesquels se basent les
affirmations ci-dessus.
Je vous prie d’accepter mes sincères salutations
Commentaires